Texte & photos : Ninka North
« Quand j’étais toujours en ville, je m’intéressai pas à ma culture…«
Chaque fois que je me rends à Manawan, je vais rendre visite à mon ami Gilles Moar, personnage incontournable du village, dont j’avais fait la connaissance à Kahnawaké, le premier pow wow auquel j’assistai au Québec.
Je l’avais croisé derrière les gradins avant le début des danses de compétition inter-tribales un jour de canicule. Et j’avais été immédiatement séduite par son regard rieur et ce beau parler, dont les sonorités musicales sonnaient comme du vieux français.
J’avais tout de suite noté le «r» roulant sous la langue, une des caractéristiques de l’atikamekw comme je l’appris plus tard. Il portait alors un magnifique régalia rouge – costume traditionnel sacré – 1https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=20&type=imma#.XMzR4hRKij4 avec un perlage de fleurs blanches sur la poitrine, un bouclier de guerrier agrémenté de plumes d’aigle à la main, et des ornementations finement ouvragées en écorce.
Nous avions échangé nos coordonnées sans savoir que c’était le prélude d’une longue aventure commune, ponctuées de rencontres sur le terrain et de dialogues durant les interminables hivers québécois.
Comme chaque weekend, la maison est pleine. « Ckina » comme sa grand-mère l’a surnommé, moquant son insatiable curiosité, se balance sur le rocking-chair en regardant la télévision.
Sa femme Mireille, les enfants et petits-enfants s’activent dans la cuisine. Mireille a eu cinq enfants et a vingt-cinq petits enfants, dont plusieurs d’entre eux vivent encore sous le toit familial.
L’odeur du café traverse le couloir et chacun s’installe l’un après l’autre derrière la table.
Trois générations de forces de la nature…
Vêtu d’un tee-shirt où apparaît le mot «warrior», Masko, à peine âgé d’un an martèle le tambour sous les regards amusés de la famille.
Les Atikamekws sont un peuple attachant qui perpétue les traditions ancestrales. Originellement nomades, ils sont aujourd’hui considérés comme semi-nomades, car ils dépendent encore des ressources du territoire pour vivre, et ajustent leurs activités aux saisons de l’année.
Au milieu d’eux, on vit l’instant présent, on est dans cette absorption permanente de perceptions qui indifférent en milieu urbain.
Il y a le rire, les échanges de regard… au rythme de la vie, de cette «impermanente permanence» qui traverse le lac d’une onde et d’éclats de rire. Il faut parler de la joie de vivre des atikamekws que j’ai croisés durant mes séjours,
cet état d’esprit qui exprime si bien la force de leur résilience; pied de nez à toutes les épreuves endurées par leur peuple durant plus un siècle et demi…
En résidant parmi eux, j’ai réalisé que le rire était une dynamique à part entière. C’est d’ailleurs un principe soigneusement entretenu par tous les membres de la communauté. L’humour est une constante, mais parfois, la voix devient murmure pour exprimer les souffrances passées.
La petite mort de l’âme dans «l’eau de feu», Gilles la raconte avec tristesse de temps à autre. Quelques bribes d’un passé volé tombent de ses lèvres comme une violence qu’il lui faut exorciser une fois encore. L’alcoolisme est un problème présent dans les réserves autochtones, et non, il n’y a pas de facteur génétique à cela, comme certains clichés l’ont si souvent fait entendre. En revanche, il y a les conséquences de la colonisation…
Une histoire bien familière déjà dans mes oreilles, celle des pensionnats et d’enfants arrachés à leurs familles, kidnappés alors qu’ils jouaient dans la cour à l’insu de leurs parents2Rafle des années 60, la «Sixties Scoop»https://fr.wikipedia.org/wiki/Rafle_des_ann%C3%A9es_60 ; un paquet de stress post-traumatique et son écho dans quelques générations encore.
La même chose s’est produite à Manawan. La honte de perdre son identité, son honneur, et ses cheveux longs – attribut «sacré» dans leurs croyances -, coupés dès lors qu’on entre au pensionnat; Ckina l’a vécue…
Mais il y a d’autres sujets qu’on évoque vaguement dans la communauté, de crainte de voir se réveiller les fantômes, car les missionnaires3https://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2018/10/pretres-pedophiles-oblats-innus-atikamekws/ ont marqué l’âme au fer rouge de bon nombre d’entre eux; ces évènements qui remettent en question ces « histoires » qu’on leur contait pour effacer leurs croyances…
Gilles, quant à lui, se souvient encore du bonbon que l’homme à la soutane noire lui tendait d’une main, et la paire de ciseaux dans l’autre. Il se « rappelle tout», murmure-t-il, les yeux dans le vague puis se tait brusquement. La mémoire reste comme un non-dit sur toutes les lèvres des aînés, quelques bribes noyées d’amertume entre deux silences, oui il faudra
du temps, beaucoup de temps pour effacer les rides à la surface de l’âme. Il y a tant d’affaires qu’on aimerait oublier…
Lors de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées en 2014 et 2015, de nombreux témoignages sont venus raconter l’impensable. D’autres rumeurs s’y sont ajoutées, levant le voile sur toutes les disparitions d’enfants dans les hôpitaux lors de la Sixties Scoop4https://sixtiesscoopsettlement.info/fr/accueil/ menée par le gouvernement comme politique d’intégration.
La politique d’assimilation des cultures autochtones au Canada s’est avérée aussi cruelle qu’une éradication, fait incontestable aujourd’hui dévoilé et dénoncé ouvertement par le gouvernement.
Se dirige-t-on enfin vers la reconnaissance d’un génocide ?5https://www.erudit.org/fr/revues/ticarttoc/2017-n8-ticarttoc03294/87017ac.pdf « Génocide [colonial] canadien » tel qu’il a été décrit par le rapport de l’ENFADA.6Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Ces dernières années, beaucoup de cercles de partage ont été mis en place pour désamorcer les souffrances; une tradition familière aux autochtones qui les amène progressivement sur la voie de la guérison, même s’il reste encore fort à faire…
« Il y avait un ours à quelques mètres de moi, un ours en train de danser… »
Ici, les vrais guérisseurs du mal des sociétés, ce sont les aînés. Ceux qui s’impliquent dans la tradition ne le font pas seulement pour eux-mêmes, mais pour rétablir cette continuité qui a été perdue.
Gilles est né à la Tuque, en Mauricie.
– Là-bas quand j’étais jeune, on prenait l’hydravion pour aller à l’hôpital, raconte-t-il, en sirotant son café.
Comme tous les natifs passés par les pensionnats, Gilles a lui aussi mené un long cheminement fait de doutes et de lâcher-prise. En sortant du pensionnat, il a perdu ses repères, prenant goût aux errances des blancs dans une société, dont il ne comprenait pas les codes culturels, et sa chute a été brutale. Il se rappelle avoir marché de longues heures sur la glace avec son traîneau et son chien, sa hache à la main – un outil essentiel pour la survie -, en se demandant comment il allait s’en sortir, comment vivre autrement… Puis un jour, alors qu’il se promenait en forêt, il a eu le déclic…
– Il y avait un ours à quelques mètres de moi, un ours en train de danser, raconte Gilles en se levant pour me décrire cette rencontre exceptionnelle.
Dans la tradition de ses ancêtres, cette rencontre était d’ordre chamanique. Elle était chargée de sens, répondant à cette quête de vision intérieure entamée depuis des mois. C’est ce moment fort qui lui a donné l’inspiration pour accomplir des danses sacrées, m’explique-t-il, dont certaines comme la danse de la pluie, sont privées.
Tout comme la forêt, les animaux sont porteurs du savoir des anciens, le savoir de la terre-mère initiatrice, et ce sont ces figures symboliques qu’on retrouve dans les danses : postures de chasse ou de combat empruntées aux animaux, rythmes des saisons et des éléments.
Les danses sont souvent le fruit des observations du monde animal et leur interprétation. Les récits font la description de rencontres extraordinaires, toujours initiatiques… Dans l’animisme, la nature et les éléments, tout comme les animaux sont des guides chargés de transmettre des signes et des enseignements.
Chez les Algonquins, les clans sont reliés à un animal totem. L’ours est celui des atikamekws.
– C’est en allant vers mes origines» dit-il en marquant un arrêt, en me mettant en quête de mon héritage, que j’ai commencé à me reconstruire.
Un jour, Gilles a sorti son tambour et l’a fait résonner. Même si ce geste paraît anodin, il a pris une toute autre dimension dans la communauté. En remettant la tradition à l’honneur, il a piqué la curiosité des plus jeunes et très vite, d’autres membres de sa communauté l’ont rejoint.
– Au départ, les gens de Manawan n’étaient pas d’accord avec cette initiative, mais cela ne nous a pas arrêtés, dit-il en souriant.
Son fils Daveen est le premier à s’être intéressé au tambour, puis sont venus Gordie, son neveu, et Kent, son gendre. Au bout de quelques mois, d’autres ont voulu acquérir un tambour, et les choses ont vite pris de l’ampleur.
– Il y a eu cette fameuse cassette audio que j’ai fait passer en boucle; des drums d’une autre nation. C’est ça qui a été le déclencheur, dit-il. L’évènement a incité l’équipe à s’entraîner et à créer son propre style de chant.
– C’est comme ça que les BlackBear7https://en.wikipedia.org/wiki/Black_Bear_(band), le groupe de drummers dont Daveen est aujourd’hui le leader, a été fondé en l’an 2000», ajoute-t-il fièrement.
Il laisse passer un silence, et lâche d’une voix enjouée.
– La première fois qu’ils ont joué, c’était dans la pourvoirie de Lauzon, puis ils se sont produits dans la communauté algonquine de Maniwaki Kitigan Zibi8https://en.wikipedia.org/wiki/Kitigan_Zibi en Outaouais et se sont améliorés au fil du temps.
Par la suite, la communauté a fait le pas en inaugurant son premier pow wow en 2006; une date importante qui marquait le centième anniversaire de la réserve.
– En 2007, on était dix, maintenant, on est plus d’une trentaine», reprend Gilles.
Avec l’énergie qui le caractérise, il a commencé à arpenter les premiers pow wows qui se déroulaient au Québec, transmettant son dynamisme et sa fierté aux communautés dans les danses qu’il exécutait avec son régalia et ses parures perlées durant l’hiver.
– Dans les années 70 jusqu’aux années 80, les pow wows ressemblaient davantage à des fêtes de village, raconte Gilles. Il y avait des courses de canots, du tir à la carabine et à l’arc, et des compétitions tribales. À cette époque la tradition était perdue, les cérémonies de danse interdites.
Populaire pour les efforts qu’il a prodigués autour de lui, Gilles Moar est l’un des premiers à s’être impliqué dans la
tradition, cette voie qui génère l’espoir pour les nouvelles générations, en leur permettant de se réapproprier leur identité et la fierté d’appartenir à une culture unique.
– Danser», répète-t-il, c’est exprimer sa tradition.
Les peintures faciales ou corporelles ont un sens rituel. Les motifs ont une valeur symbolique adaptée aux évènements culturels ou sacrés, cérémonies, danses ainsi qu’à des activités comme la chasse ou la guerre.
Dans certains pow wows, Gilles porte le sifflet taillé en os d’aigle enroulé dans un ruban bleu et rouge sur sa poitrine, un instrument sacré évoquant la voix de Wakan Tanka – Le Créateur -, qui est également utilisé lors de la danse du soleil; rite s’accomplissant sur plusieurs jours, auquel les étrangers sont rarement admis.
Le «Tewehikan»
L’alignement, c’est un terme qui reflète particulièrement bien l’état d’esprit des gens qui s’initient au tambour traditionnel, le «tewehikan» comme il se nomme dans la tradition atikamekw.
C’est un être propre qui a droit à tous les honneurs. Le tambour « redresse ». C’est un fait. Une thérapie et un partage qui rendent plus fort, plus authentique. Par sa figure symbolique de cercle, il réunit et fait figure de guide initiatique. Lors des pow wows traditionnels, on sort les tambours de cérémonie, de larges tambours qui sont
sacrés. Ils sont posés sur deux supports en bois croisés, sous un auvent, face à l’aire de danse, à proximité de la loge des maîtres de cérémonie.
Au centre de l’aréna, il y a toujours un mât faisant figure d’axis mundis9https://fr.wikipedia.org/wiki/Axis_mundi autour duquel les participants dansent. Six à huit «drummers» s’assoient autour de ces gros tambours et le frappent en rythme. Leurs chants accompagnent les danses sacrées des danseurs et les rituels de guérison qui vont s’effectuer durant le pow wow.
Battre le tambour, c’est s’unir aux battements de la Terre Mère et entreprendre la guérison… Et cette dynamique revêt un sens extrêmement solennel dans la mesure où les croyances sont fortement enracinées.
L’animisme est une culture commune à tous les premiers peuples, il est la base ancestrale de toutes les religions. La prière, tout comme la danse ne sont pas des divertissements, ils sont chargés d’une forte connotation spirituelle et suscitent le respect de tous.
Chez les Atikamekws, la transmission des savoirs s’effectue par le biais de la tradition orale mais aussi par l’expérience
sur le terrain sous le regard des aînés. Gilles qui remplit également le rôle de maître de cérémonie dans certains pow wows, a enseigné les prémices de la tradition à Tony-Dylan Tcatciaw, un jeune atikamekw, aujourd’hui pompier à la Tuque.
L’initiation s’est souvent déroulée en forêt comme c’est l’usage, un site naturel favorisant le contact avec les éléments. C’est en ce lieu incontournable pour tous les amérindiens, qu’il lui a fait répéter les postures des différentes danses traditionnelles, en lui transmettant les symboliques respectives.
– Dans le passé, me raconte Gilles, l’homme se place en arrière du canot pour diriger, et la femme à l’avant avec sa rame. Mais aujourd’hui, le rapport de pouvoir entre les deux sexes a changé. L’argent a brisé la direction, ajoute-t-il d’une voix résignée.
C’est comme ça que les autochtones s’expriment, avec ces allusions qui la toute première fois déroutent. La métaphore, la parole imagée leur est propre. Ils ont gardé cet accès au rêve, au discours initiatique.
Chez eux, les rapports entre les deux sexes sont équilibrés. Fortes et déterminées, les femmes atikamekws prennent en charge l’éducation des enfants et de la vie au foyer, tout en s’impliquant activement dans la communauté. Gilles me raconta comment sa fille a repéré un orignal au petit matin de l’autre côté du lac et comment après une longue traque en canot avec lui et son frère Daveen, elle avait fini par le tuer d’un tir de carabine.
– D’une seule balle, confirme-elle avec fierté.
Trop sensible pour participer à la chasse, Gilles ne s’y oppose cependant pas, parce qu’elle fait partie de leur héritage.
– Nous ne sommes pas des guerriers, dit-il, mais un
peuple de chasseurs cueilleurs, d’anciens nomades qui perpétuent ces gestes symboliques depuis l’aube des temps.
– Nous avons un respect pour la nature et toutes les espèces qui y vivent.
Gilles marque un temps d’arrêt, silence accentuant le poids de ses mots, parce que parler de sa tradition, ce n’est pas rien, c’est rendre hommage aux Anciens, à cette genèse qui leur colle à la peau comme une de ces vérités inaltérables. La colonisation ne leur a pas retiré cela.
– Dans nos coutumes, on abandonne pas les cadavres d’orignaux au bord des routes après leur avoir arraché les panaches pour en faire des trophées. Les animaux sont tués avec cette conscience, on utilise toutes leurs parties comestibles ou non, os, dents, peau ou nerfs… Tout est base d’un savoir-faire ancestral utilitaire ou décoratif. Les nerfs produisent un fil extrêmement solide utilisé dans la confection de parures et bijoux traditionnels.
Même si Gilles ne chasse plus, il se souvient très bien de ces moments de traque au cœur de la forêt, ces incroyables moments de survie où l’adrénaline fouette le sang en aiguisant les sens. Tous les chasseurs connaissent cela, cette perception accrue dans l’effort…
« L’été, on vivait dans des tipis, des wigwams… »
– Quelle arme utilisais-tu pour chasser ?
– Une carabine modèle 30,06. En été, on peut utiliser le télescope.
Il laisse passer un silence, puis reprend,
– Dans le temps passé, on avait pas de chalets, reprend-t-il d’une voix posée. On se fabriquait des cabanes de bois rond, quelque chose de rudimentaire. Il y avait juste une ouverture, un trou pour le feu. Ça nous permettait de faire la boucane10griller la viande l’hiver, dit-il en approchant sa chaise de la table.
– L’été, on vivait dans des tipis, des wigwams11https://fr.wikipedia.org/wiki/Wigwam confectionnés avec de l’écorce, avant l’arrivée du coton. Lorsqu’on partait à la chasse, on traquait en gang de dix personnes, dix chasseurs, murmure Gilles.
Il marque une pause et jette un coup d’œil au lac derrière la fenêtre.
– On allait dans notre chalet, un site de chasse traditionnel. On y restait une semaine. En 1972, on y allait en ski-doo. On marchait dans le bois toute la journée, à suivre les traces de l’orignal, dit-il gravement.
L’évocation fait briller ses yeux.
– Quand on l’avait tué, on lui adressait des prières de remerciement puis on le laissait sur place, une journée ou une nuit, avant de le partager entre nous. On laissait les pattes, la colonne vertébrale, et la tête après l’avoir dépecé, on ramenait la peau…
– Parfois c’est plus facile d’atteindre un orignal durant l’hiver, parce qu’il est sensible au froid. L’été, on a du mal à l’approcher. Un « ravage » c’est le nom du lieu de résidence de la harde, précise-t-il, son campement, les bêtes restent près de l’eau l’été, mais l’hiver, on les trouve dans la montagne, dans leur ravage. Au printemps, ils veulent changer de place et cherchent un nouveau campement aux abords du lac.
L’orignal est un herbivore qui, l’été, se nourrit principalement de plantes aquatiques dénichées dans les étendues d’eau et les sources naturelles – un support non négligeable de minéraux -. En hiver, son régime se constitue de bourgeons de sapin baumier et ramilles de feuillus. Lorsque les arbres perdent leurs feuilles, il arrive qu’on tombe sur des troncs d’érable dont les écorces ont été mises à nu par leurs incisives.
À la saison des ruts qui débute durant cette même période, les mâles frottent leurs bois dénudés sur les troncs d’arbres et s’affrontent. Leur panache peut atteindre deux mètres d’envergure. C’est un animal craint par les automobilistes parce que lors des collisions, il bascule de tout son poids sur le véhicule, impactant violemment le pare-brise et l’habitacle.
La chasse et la pêche fournissent encore une part non négligeable des ressources alimentaires de la commune. Mais pour faire des achats en gros, la supérette ne suffit pas, il faut se rendre au Wallmart de Joliette, la «ville» la plus accessible avec la route forestière.
Même s’ils ont adopté un mode de vie similaire au nôtre dans la consommation alimentaire, il faut reconnaître aux autochtones, ce profond respect de l’environnement avec lequel ils vivent en symbiose.
Ils utilisent encore des technologies ancestrales sans impact sur la nature. Et l’écologie reste une notion innée, inscrite dans la tradition comme l’un de ses fondements sacrés, même si le mode de vie contemporain a ici, comme ailleurs, donné naissance à un dépôt d’ordures à ciel ouvert à la sortie du village.
Outre sa grande connaissance des plantes médicinales et de la vie en forêt, Gilles sculpte et travaille le bois,
réalisant d’imposantes œuvres animalières tout au long de l’année. Totems à face d’ours côtoient perlages en cours et parures de plumes, et il n’est pas rare de voir un aigle sculpté planer dans l’atelier au-dessus d’un tambour de cérémonie et d’autres objets traditionnels.
Élément important de la médecine traditionnelle, l’écorce de bouleau blanc (Betula papyrifera, wikwasatikw en atikamekw) base d’un savoir-faire ancestral, lui permet de réaliser une multitude d’objets tels que corbeilles, raquettes, cadres de drums et bijoux.
Gilles caresse l’espoir qu’un jour, sa communauté dispose d’un centre culturel pour exposer ses œuvres et d’une structure d’accueil pour les amateurs de ski-doos ; des vœux qui s’accompliront peut-être lorsque l’asphalte recouvrira la route forestière, pourvu que les aigles, les messagers de Tshishe Manitu12le Grand Esprit, le Créateur, aient encore envie de survoler cette belle réserve faunique…