Text & Photos : Ninka North

Une réconciliation à deux visages…

Selon le dictionnaire Larousse, la réconciliation serait au sens littéral l‘ « action de réconcilier des adversaires, des gens fâchés entre eux » 

La réconciliation, processus mené entre le gouvernement et les peuples autochtones, vise une coopération et un partenariat fondé sur le respect et la reconnaissance de leurs droits.

Ce processus a fondé la Commission de vérité et réconciliation en 2008, afin de recueillir les témoignages des survivants de pensionnats autochtones et mesurer l’impact intergénérationnel au sein des familles.

Cette initiative a généré de profonds changements dans les mentalités. Nombre d’actions de réparation et de consultation ont bel et bien été lancées au niveau social et culturel, dont une Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones en 2016 et certains services publics au Québec.

Beaucoup d’actions ont été menées, parmi lesquelles la Journée du chandail orange1https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/la-journee-du-chandail-orangeet la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation2https://fr.wikipedia.org/wiki/Journ%C3%A9e_nationale_de_la_v%C3%A9rit%C3%A9_et_de_la_r%C3%A9conciliationcréées en mémoire des victimes et des survivants des pensionnats autochtones après les macabres découvertes de Kamloops.

Puis, dans la foulée, il y a eu la destruction des livres colonialistes, le grand pardon du Pape, et la loi C15 adoptée en juin 2021 mettant fin à la notion de « Terra nullius » revendiquée par les explorateurs et à toute forme de discrimination…

Beaucoup de points se sont avérés positifs, bien que le racisme systémique n’ait toujours pas été reconnu par le gouvernement du Québec, malgré sa dénonciation massive après le décès tragique de la jeune atikamekw Joyce Echaquan, en 2020…
On peut aussi s’étonner que « l’Indian Act »3https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_sur_les_Indiens, cette loi adoptée en 1876 qui a été le levier de l’assimilation des peuples autochtones en leur attribuant le statut de « mineurs », soit toujours appliquée; un fait particulièrement discriminatoire au sein d’une démocratie parlementaire promulguant l’égalité des droits entre les citoyens.

Il y a une évolution réelle et une reconnaissance réelle des peuples autochtones, certes, mais quelles sont les motivations inscrites derrière ce processus ?
Car la question qui vient tout de suite à l’esprit, c’est cette idée de « partenariat », car qui dit partenariat, dit intérêts économiques…

Quand le « Greenwashing » devient « Redwashing »

Même s’il est doté d’éthique, ce processus est apparu au moment précis de l’histoire où l’on écrit les pages du développement économique du Plan Nord. Révélant sa stratégie mercantile, ce programme n’a d’autre objectif que d’hypothéquer l’avenir des territoires du nord par leur exploitation massive, en dépit de toute concertation avisée des peuples concertés. Dans le contexte de crise climatique et environnementale qui sévit sur la planète, on est naturellement en droit de s’inquiéter de la fragilité de ces territoires, sachant que le Québec détient 3 % des réserves mondiale d’eau douce de la planète…

Ce programme de développement, cité comme « durable », a fait l’objet de stratégies de communication d’écoblanchiment4https://fr.wikipedia.org/wiki/Greenwashingtrès pointues, mais aussi très visibles dans l’horizon médiatique, qui se sont étalées sur deux décennies (débuté en 1998). Porté par le processus de « réconciliation », il a instrumentalisé la reconnaissance de la colonisation avant de révéler sa finalité purement mercantile. Pensé par des économistes depuis de

longues années, il a été organisé de façon méthodique avec une multitude de ressorts de communication, de consultations et de projets d’envergure parmi lesquels, on retrouve un plan d’aménagement social et culturel pensé par ses principaux acteurs, think tanks et décideurs économiques; avec à la clé, d’énormes subventions et sponsorings dans de nombreux domaines…

//… une entreprise peut poser des gestes philanthropiques très visibles dans le but de projeter une image de légitimité et de détourner l’attention ou de mitiger l’impact d’un comportement illégitime” cite Karen Hamilton, dans sa thèse.

Une hydre à mille têtes…

Mais d’où viennent ces « think tanks » si précieux ?Parmi eux, on remarquera une association américaine et libertarienne à but non lucratif, Atlas Economic Research Foundation5https://en.wikipedia.org/wiki/Atlas_Network.
Cette fondation au pouvoir colossal, s’est dotée d’un programme mondial de protection des manœuvres d’entreprises d’exploitation fossiles et minières. Selon l’auteur Dr Jeremy Walker6https://profiles.uts.edu.au/Jermy.Walker, ce réseau d’influence opérerait par le biais de groupes de réflexion basés au Canada et en Australie soutenus par des sociétés pétrolières, gazières et charbonnières implantées dans près de 100 pays. Lié au programme de déni climatique qui sévit politiquement, il tend à limiter les droits des nations autochtones.

Les « nouveaux sauveurs » investissent…
Faisant marcher leurs services de communication, les multinationales, rehaussent leur image par l’exploitation abusive d’actions philanthropes auprès des populations autochtones. Subventionnant à tour de bras, elles jouent sur le social, l’éducation, la précarité d’emploi, vantant un nouveau monde sans énergie fossile, avec des énergies « propres » décrites comme « durables ».

Promotion d’un monde technologique avec des voitures électriques silencieuses, mais « explosives », et des êtres connectés, en omettant de parler de l’impact d’extractions minières et des exploitations forestières intensives sur l’environnement, ni de la santé des peuples autochtones…

« Dans les années noires qui s’en viennent… »

Il va de soi que les communautés autochtones subiront les impacts de ce développement. La plupart des réserves sont situées à proximité de ces mines à ciel ouvert et des « claims »7zone à teneur élevée en minéraux précieux qui fleurissent dans la région comme un fléau comparable à la ruée vers l’or des années 1848.

Comme on peut s’en douter, les conséquences sanitaires et environnementales de mines à ciel ouvert sont dramatiques. Parfaitement prévisibles, elles sont sous-évaluées, voire passées sous silence : émissions cancérigènes, atteinte des nappes phréatiques, contamination de la faune et de la flore…

Alors que la richesse du Québec, s’inscrit précisément dans ces territoires vierges et la quantité phénoménale d’eau83 % des réserves en eau douce renouvelables de la planète qu’elle détient.

A-t-on prévu de faire partie de la Sixième Extinction?

Aux yeux des nouvelles générations, ces faits ne se solderont pas par des amendes impayées comme c’est encore le cas, mais passeront comme de véritables délits criminels…